L'ensemble du système a ainsi pu s'harmoniser assez rapidement en deux ans environ. Des saules, des frênes, des noisetiers, des noyers et bien d'autres variétés d'arbres sauvages se sont ressemées ensuite spontanément partout. Je les ai laissées aussi longtemps que possible à leur place avec de nombreuses autres herbes sauvages vivaces. Leurs racines attirent des microorganismes grâce à de multiples exsudats racinaires, qu’ils libèrent dans le sol pour être alimentées, en retour, par ces organismes vivants du sol. Ce sont surtout des bactéries, des champignon, des protozoaires, et des nématodes. Les plantes cultivent ces organismes dans la rhizosphère et nouent avec elles d'étroites relations symbiotiques dans cette mince couche du sol qui colle aux racines.
Lorsque ces plantes venues spontanément créent trop d'ombre ou si la place manque pour d'autres plantes cultivées, elles sont taillées (régulièrement). Le produit de la taille est déposé sur le sol entre les plantes. Afin de compenser le déséquilibre entre la surface foliaire et la surface racinaire, ces plantes doivent rejeter une partie correspondante de leurs racines. Ainsi, en plus du paillis obtenu, une quantité considérable de matière organique est directement et régulièrement introduite dans le sol, où elle est décomposée et lentement minéralisée par des bactéries, mais aussi par des champignons et la microfaune. Le réseau de canaux, parfois profonds de plusieurs mètres et plein de substances nutritives, est colonisé de préférence par les racines des plantes qui repoussent.
Mais même sans être taillées, les plantes rejettent continuellement un peu de racines fibreuses et en forment de nouvelles. Les processus dans la rhizosphère sont si variés et complexes que nous en savons encore peu, malgré les nombreuses et étonnantes découvertes de ses dernière décennies. Certains scientifiques affirment que nous ne serons jamais en mesure de saisir toute la dimension de ce qui se déroule en silence sous nos pieds. Les informations et les nutriments circulent sans cesse, dans toutes les directions. C’est le wood wide web, qui relie entre eux les trois quarts de la biodiversité (connue) de notre planète Terre.
Un bon nombre d'arbustes et d'arbres d'une forêt-jardin sont plantés pour servir à d'autres fins que l'alimentation. Ils structurent l'espace, sont des architectes du sol, génèrent et nourrissent la vie du sol, produisent de la matière organique pour la fertilisation, peuvent aussi en partie fixer l'azote atmosphérique dans le sol (légumineuses) et sont en plus souvent comestibles pour l'homme. C’est un bon exemple pour l'aspiration de la permaculture : « Un élément remplit au mieux plusieurs fonctions et chaque fonction est mieux couverte par plusieurs éléments ! » Ce principe s'inspire alors aussi de la nature !
Le sol est ainsi rapidement et profondément ameubli, colonisé et fertilisé. La vie et la mort des organismes vivants du sol, de plus en plus nombreux et diversifiés, contribuent en grande partie à ces processus de construction et de structuration du sol.
Lorsque nous parlons de services écosystémiques, nous entendons par là des fonctions propices à la vie qui sont à la base initiées par ce processus très complexe comme décrit plus haut.
Des services écosystémiques des sols vivantes sont :
- Séquestration du carbone = fertilité du sol et stabilité climatique
- Ameublissement, structuration et fertilisation du sol
- capacité de rétention d'eau du sol = cycle de l'eau sain, prévention des inondations, qualité d’eau, conditions de culture favorables,
- Prévention des maladies des plantes - pour n'en citer que quelques-uns
Un écosystème anthropique est créé, qui se caractérise par une grande productivité et une stabilité relativement importante. Dans l'idéal, il y a toujours quelque chose qui pousse partout. Si, en hiver, le sol est "uniquement" recouvert de paillis et sans plantes vivantes persistantes à proximité immédiate, la vie du sol se réduit dans les couches profondes et se limite à la décomposition de la matière organique en surface (par manque d'enracinement). Mais aussi les températures sont un facteur limitant pour l'activité de la vie du sol. Lorsque la température sous le paillis descend en dessous de 6°C, l'activité microbienne diminue.
Les vers de terre produisent entre 40 et 70 tonnes d'excréments par an et par hectare (Spiegel 2011). La plus grande partie est ramenée à la surface depuis les couches minérales plus profondes. Le sol est alors ameubli et aéré, l'eau de pluie peut mieux y pénétrer.
Les excréments des vers de terre riches en nutriments servent de nourriture aux organismes du sol de petite taille, comme les cloportes, les buprestes, les nématodes et les collemboles (Topp 1981).
Les vers de terre préfèrent les températures comprises entre 10 et 14 degrés. Ils tolèrent plus facilement des températures inférieures que des écarts importants vers le haut. Les vers de fumier font exception à la règle. Ils passent leur vie dans le tas de compost ou le tas de fumier et se sentent le mieux à des températures chaudes, entre 20 et 25 degrés.
En dessous de 4 ° C, la plupart des espèces de vers entrent dans une sorte d'hibernation. Pour cela, ils s'enfoncent profondément dans le sol, comme en été lorsqu'il fait trop chaud et trop sec. Si l'hiver est doux et que la couche de couverture de matériaux organiques variés dans le jardin est suffisamment épaisse, le processus de formation d'humus par la vie du sol peut se poursuivre. Il est toutefois moins efficace qu'en été, car la plupart des plantes sont en hibernation et ne libèrent plus d’exsudats racinaires dans le sol.
Le rôle des champignons dans la vie du sol n'est pas encore abordé ici.
Un traitement de ce sujet, avec des résultats de recherche récents très étonnants, est en cours et sera bientôt présenté sur la page « le sol vivant ».
Dans une forêt-jardin, l'idéal est de prévoir une zone périphérique spécialement destinée au prélèvement des parties ligneuses des plantes pour en faire du paillage. Cette zone est extensive et peut également contenir des arbres à fruits et servir en plus de pâturage pour le bétail. Les vergers à hautes-tiges remplissaient autrefois cette fonction. Il ne faut pas non plus oublier, si l'on dispose de suffisamment d'espace, une zone entièrement laissée à la nature, dans laquelle nous n'intervenons pas et que nous fréquentons le moins possible.
Pour les grandes forêts-jardins, une déchiqueteuse sera utile. A partir d'un demi-hectare, un broyeur thermique d'une capacité supérieure peut s'avérer nécessaire. L'idéal est de partager ces appareils, qui sont un peu chers à l'achat et ne sont utilisés que peu de temps par an, entre plusieurs propriétaires de jardin.